Regard sur

Au cœur des archives historiques de l’ECPAD

Rencontre au fort d’Ivry avec Véronique Pontillon, responsable des actions scientifiques au département de la médiation et des publics à l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD). Impliquée dans la vie du fort, de l’ECPAD et de son rayonnement, elle présente l’établissement et plus particulièrement l’atelier Montage d’archives, dirigé par Ania Szczepanska, maîtresse de conférences en histoire du cinéma au sein du laboratoire HiSCA de l’université et réalisatrice de films documentaires. 

 

Un partenariat solide et enrichissant 

Né au sein du département d’histoire de l’art et d’archéologie de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, l’atelier Montage d’archives a vu le jour en 2017. Dans le cadre de dernier, les étudiants du master 2 histoire du cinéma mènent leurs recherches sous la forme d’un court-métrage, réalisé essentiellement à partir des fonds photographiques et/ou cinématographiques de l’ECPAD. En traversant les longs couloirs voûtés du fort d’Ivry, d’une casemate à une autre, chaque porte permet de découvrir de nombreuses piles de bobines, de cassettes et de casiers contenant des archives en format papier laissant deviner la quantité importante d’informations conservées en ce lieu. En effet, cet établissement dispose de 15 millions de documents dans ses fonds et de 94 000 heures de film soigneusement conservés. Cette volumétrie est nourrie par la production interne de l’institution qui a commencé en 1915, par les images de l’armée et du ministère, par des fonds privés (depuis 1842) alimentés grâce aux particuliers qui les contactent ou encore par des achats réalisés durant certaines périodes historiques. Les fonds de l’ECPAD s’enrichissent ainsi constamment. Dans un souci de conservation, une grande partie des archives et plus particulièrement des bobines reste hébergée dans les casemates de la bâtisse assurant une température et une luminosité idéale. 

ECPAD

Ce partenariat entre l’université et l’ECPAD vise à ce que les étudiants soient accompagnés par des professionnels dans leurs recherches de fonds et dans leur travail de post-production. « La spécificité et la force de cet atelier montage d’archives est également d’avoir été conçu avec l’ensemble des enseignants et enseignantes du master 2 histoire du cinéma, en lien avec une formation théorique complète, axée sur les liens entre histoire et cinéma. Cette formation solide leur permet d’acquérir les outils théoriques pour appréhender et comprendre la spécificité des images d’archives qu’ils vont monter. », explique Ania Szczepanska. À la fin de leur projet, l’ECPAD propose aux étudiants d’envoyer leur réalisation au festival War on screen. À la rentrée universitaire, la projection des films dans l’auditorium de la Galerie Colbert en septembre, puis au festival de Châlons en Champagne début octobre, permettent la rencontre entre les promotions. Les étudiantes et étudiants qui quittent l’atelier projettent ainsi leur film à celles et ceux qui prendront le relais. C’est également l’occasion pour eux de leurs transmettre des conseils et de partager le fruit de leur expérience. 

Mais depuis 2017, ce partenariat n’a cessé d’évoluer. “Chaque année, on identifie des choses à améliorer sur lesquelles nous travaillons pour mieux répondre aux besoins et aux pratiques des étudiants dans le cadre de leur cursus”, explique Véronique Pontillon. “L’une des choses que j’apprécie le plus dans mon travail c’est l’échange avec les étudiants et l’un de mes objectifs avec ce partenariat, c’est de faire vivre ces fonds qui ne sont pas assez connus surtout dans le monde de la recherche et dans le milieu universitaire”, ajoute-t-elle. L’an passé (2021-2022), trois étudiantes en master 2 histoire du cinéma à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ont exploré les archives de l’ECPAD dans le cadre de cet atelier : Éléonore Dées de Sterio, Juliette Klein et Alicia Pifre. 

Zoom sur le travail d’Alicia Pifre : la première guerre mondiale vue par des enfants 

Aux prémices du projet, les étudiantes et étudiants doivent choisir leur sujet. Nombre d’entre eux choisissent de traiter les grandes guerres pour lesquelles les fonds sont plus facilement accessibles. En effet, à titre d’exemple, les évènements récents ne sont pas encore répertoriés et il est donc plus difficile de s’y atteler. Toutefois, l’angle choisi varie énormément d’un étudiant à un autre et une grande diversité de sujets sont ainsi traités chaque année. 

Inscrite à l’atelier Montage d’archives dans le cadre de son master 2 histoire du cinéma, Alicia Pifre a choisi de travailler sur les représentations enfantines de la Première Guerre mondiale. Avant d’intégrer ce master et de prendre part à l’atelier, Alicia Pifre travaillait avec des enfants dans le cadre d’un service civique. Au cours de cette expérience, elle explique les avoir observés commencer à écrire et à dessiner ce qui a contribué à son envie de réaliser un film sur les enfants. Une fois le sujet choisi, étudiantes et étudiants se lancent dans la recherche d’archives pour alimenter leur réalisation. Pour cela, l’ECPAD met à leur disposition le portail Image Défense, ouvert en septembre 2021. De nombreux fonds sont disponibles et accessibles à distance. “J’ai commencé à chercher plein de sujets en lien avec l’enfance et grâce au site Image Défense sur lequel j’ai pu rechercher des mots-clés, j’ai fini par trouver le journal intime d’Yves Congar. J’ai alors décidé de travailler exclusivement sur son texte”, explique Alicia Pifre.  

En complément de ce texte, Alicia Pifre a également utilisé avec des images du film d’Henri Desfontaines, Les enfants de France pendant la guerre, réalisé en 1918, avec lesquelles elle a mélangé les dessins trouvés dans le journal d’Yves Congar qui offre dans ce dernier un témoignage unique et son point de vue d’enfant sur la guerre. Enfin, des témoignages d’enfants lus par un enfant de dix ans qui a enregistré la voix off ont été ajoutés aux images.  

ECPAD

Après plusieurs mois de recherche sur la plateforme en ligne et de montage vidéo, Alicia Pifre est arrivée au dénouement de son projet et s’est ainsi rendue pour la première fois au fort d’Ivry et plus précisément dans l’un des studios d’enregistrements de l’établissement. Avec l’aide de Florian Dubois, mixeur-monteur au département de post-production à l’ECPAD, des bruitages et des passages musicaux ont été ajoutés à son court-métrage. En parallèle de son travail au sein de l’ECPAD, Florian Dubois travaille sur les projets étudiants dans le cadre de cet atelier depuis deux ans. Au-delà du matériel mis à leur disposition, il apporte aux étudiants son savoir-faire en tant que professionnel. “J’essaye de les accompagner à partir du moment où ils ont réalisé le montage en travaillant une journée complète sur le son et éventuellement leur faire des propositions selon leurs envies et idées. Le but n’est pas de transformer le projet mais de le magnifier par le son”, déclare Florian Dubois. 

Pour Alicia Pifre, l’objectif de son court-métrage de 13 minutes est de représenter l’imaginaire de l’enfance et de faire ressentir les émotions des enfants pendant cette période particulière qu’était la Première Guerre mondiale. “Pour moi cet atelier a été un accomplissement personnel et professionnel grâce auquel j’ai pu faire de belles rencontres. J’ai fait beaucoup de théorie au cours de mes études et d’intégrer cette année un master un peu plus professionnalisant, c’est tout ce que je cherchais pour acquérir plus de compétences et développer des relations professionnelles”, conclut-elle. 

Découvrir les courts-métrages réalisés depuis 2018 dans le cadre de cet atelier